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DevSecOps en pratique

Mise à jour :

Mettre en œuvre le DevSecOps ne consiste pas à empiler des outils de sécurité sur un pipeline existant. C’est une transformation qui intègre la sécurité comme contrainte de conception, pas comme contrôle final. Cette page vous guide vers une mise en œuvre concrète, en évitant les erreurs classiques qui font échouer la majorité des initiatives.

Prérequis

Avant de vous lancer dans la mise en œuvre, assurez-vous de maîtriser ces concepts :

Le problème terrain

La plupart des organisations rencontrent ces symptômes avant d’adopter une démarche structurée :

  • Sécurité en bout de chaîne : les tests de sécurité arrivent en fin de sprint, bloquent la release, créent des tensions.
  • Silos persistants : l’équipe sécurité est perçue comme un frein, pas comme un partenaire.
  • Faux sentiment de couverture : un scanner de vulnérabilités tourne, mais personne n’analyse ni ne corrige les résultats.
  • Secrets en clair : des credentials traînent dans le code, les variables d’environnement, les fichiers de configuration.
  • Dépendances fantômes : personne ne sait quelles bibliothèques sont utilisées, ni si elles sont à jour.
  • Incidents répétitifs : les mêmes erreurs de configuration reviennent à chaque déploiement.

Ces symptômes révèlent un problème de méthode, pas de technologie.

Approche recommandée

Étape 1 : Cartographier l’existant

Avant d’ajouter quoi que ce soit, documentez :

  • Les flux de données sensibles (où entrent-elles, où vont-elles, qui y accède)
  • Les outils déjà en place (même partiellement utilisés)
  • Les incidents passés et leurs causes racines
  • Les compétences disponibles dans les équipes

Étape 2 : Définir les quick wins

Identifiez 2 à 3 actions à fort impact et faible effort :

  • Activer l’analyse des dépendances sur les dépôts critiques
  • Centraliser les secrets dans un coffre-fort (plus de secrets en clair)
  • Ajouter une étape de lint sécurité dans le pipeline

Étape 3 : Intégrer la sécurité dans le pipeline

Positionnez les contrôles au bon endroit :

  1. Au commit : analyse statique du code (SAST), détection de secrets
  2. Au build : scan des dépendances, vérification des licences
  3. Avant déploiement : scan des images conteneurs, validation des configurations
  4. En production : surveillance des comportements anormaux, alertes

Le principe du moindre privilège — n’accorder que les droits strictement nécessaires à chaque composant — s’applique à chaque étape.

Étape 4 : Responsabiliser les équipes

  • Formez les développeurs aux vulnérabilités courantes (OWASP Top 10)
  • Donnez-leur accès aux résultats des scans, pas juste aux alertes
  • Définissez des SLA de correction selon la criticité
  • Célébrez les corrections, pas seulement les détections

Étape 5 : Mesurer et itérer

Suivez des indicateurs concrets :

  • Délai moyen de correction d’une vulnérabilité critique
  • Pourcentage de pipelines avec contrôles de sécurité actifs
  • Nombre de secrets détectés vs. corrigés
  • Taux de faux positifs (pour ajuster les règles)

Critères de réussite

Votre démarche DevSecOps fonctionne si vous pouvez cocher ces points :

  • Chaque pipeline critique inclut au moins un contrôle de sécurité automatisé
  • Les secrets ne sont jamais stockés en clair dans le code ou les configurations
  • Les dépendances sont inventoriées et leurs vulnérabilités connues
  • Les développeurs ont accès aux résultats de sécurité sans passer par l’équipe sécu
  • Le délai entre détection et correction d’une vulnérabilité critique est inférieur à 7 jours
  • Les incidents de sécurité font l’objet d’une analyse post-mortem partagée
  • La documentation des choix de sécurité existe et est à jour
  • Les environnements de production appliquent le principe de moindre privilège
  • Les images conteneurs sont scannées avant chaque déploiement
  • L’équipe sécurité participe aux revues d’architecture, pas seulement aux audits

Scénarios concrets

Scénario 1 : La startup qui scale

Contexte : une équipe de 15 développeurs, 3 microservices, déploiement quotidien sur Kubernetes. Pas d’équipe sécurité dédiée. Un incident client a révélé une fuite de données via une API mal configurée.

Approche :

  1. Audit rapide : identification de 12 secrets en clair dans les dépôts
  2. Quick win : migration vers un gestionnaire de secrets, formation de 2h pour l’équipe
  3. Intégration pipeline : ajout d’un scan de dépendances et d’un lint Kubernetes
  4. Responsabilisation : chaque développeur corrige les alertes sur son périmètre

Résultat à 3 mois : zéro secret en clair, 80% des vulnérabilités critiques corrigées en moins de 5 jours, confiance client restaurée.

Scénario 2 : L’entreprise avec legacy

Contexte : 200 développeurs, applications Java monolithiques (10+ ans), équipe sécurité de 3 personnes submergée, cycle de release mensuel.

Approche :

  1. Priorisation : focus sur les 5 applications exposées sur Internet
  2. Quick win : scan des dépendances (découverte de Log4Shell non patchée sur 2 apps)
  3. Pipeline progressif : ajout de SAST sur les nouvelles fonctionnalités uniquement
  4. Champions sécurité : formation de 1 développeur par équipe comme relais

Résultat à 6 mois : les applications critiques sont couvertes, l’équipe sécurité passe de “pompiers” à “conseillers”, le backlog de vulnérabilités diminue de 40%.

Pièges courants

PiègePourquoi c’est un problèmeCorrectif
Tout scanner, rien corrigerLes alertes s’accumulent, l’équipe ignore les rapportsDéfinir des seuils bloquants sur les critiques uniquement, traiter le reste en backlog priorisé
Acheter un outil miracleL’outil ne résout pas les problèmes de process ou de cultureCommencer par les pratiques, outiller ensuite
Sécurité = équipe sécuLes développeurs se déresponsabilisentIntégrer la sécurité dans les critères de “done”
Bloquer le pipeline trop tôtLes développeurs contournent ou désactivent les contrôlesCommencer en mode “warning”, durcir progressivement
Ignorer les faux positifsL’équipe perd confiance dans les outilsAffiner les règles, documenter les exceptions légitimes
Négliger la supply chainLes dépendances tierces représentent 80%+ du code livréScanner les dépendances, vérifier les sources, épingler les versions
Oublier l’infrastructureLe code est sécurisé, mais les serveurs sont mal configurésAppliquer les mêmes principes à l’infra (IaC scanné, configs versionnées)
Pas de métriquesImpossible de montrer les progrès ou de justifier les investissementsMesurer dès le départ, même des indicateurs simples

La supply chain désigne l’ensemble des composants externes (bibliothèques, images, outils) intégrés dans votre logiciel. Une vulnérabilité dans une dépendance vous expose autant qu’une faille dans votre propre code.

À retenir

  • Intégrez tôt : un bug de sécurité détecté en développement coûte 10x moins cher qu’en production
  • Automatisez les contrôles : ce qui n’est pas automatisé n’est pas fait systématiquement
  • Responsabilisez les équipes : la sécurité est l’affaire de tous, pas d’une équipe isolée
  • Priorisez par le risque : tout corriger est impossible, concentrez-vous sur ce qui compte
  • Mesurez pour progresser : sans indicateurs, pas de visibilité sur l’amélioration

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