/e/os - Mon retour d'/E/xpérience
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Je suis comme beaucoup : mon smartphone ne me quitte quasiment jamais. Il est là du réveil au coucher, au creux de chaque moment. Mais à force de l’avoir constamment en main, une question a fini par s’imposer : à quel point suis-je encore maître de ce qui s’y passe ? Dans un précédent billet ↗, je partageais déjà mes doutes face à l’omniprésence des services américains dans mon quotidien numérique. Ce besoin de reprendre le contrôle, de sortir de la surveillance invisible, et de retrouver des outils alignés avec mes valeurs… c’est ce qui m’a donné envie de tester /e/OS.
Mes critères pour un système mobile plus libre
Avant de me lancer dans cette transition, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que j’attendais vraiment d’un système mobile alternatif. Il ne suffisait pas qu’il soit “sans Google” : il fallait qu’il soit utilisable au quotidien, sans me donner l’impression de revenir dix ans en arrière.
Voici les critères qui m’ont semblé essentiels :
- Le respect de la vie privée : pas de collecte abusive de données, pas de synchronisation forcée avec un compte distant.
- Une bonne compatibilité applicative : je voulais pouvoir utiliser la majorité des applications que j’utilise déjà, même si elles sont propriétaires.
- Une interface claire, fluide et moderne, pour ne pas perdre en confort.
- Un projet transparent, porté par une équipe ou une communauté identifiable, avec une vraie documentation.
- Et, si possible, une dimension européenne, pour sortir de la dépendance aux GAFAM sans tomber dans les griffes d’autres géants.
C’est avec cette grille de lecture que j’ai découvert /e/OS, qui promettait de cocher toutes ces cases.
Pourquoi j’ai choisi /e/OS
Je connais /e/OS depuis longtemps, il est revenu plusieurs fois dans ma veille techno ces dernières années. À chaque fois, il se démarquait comme une alternative crédible : basé sur Android, débarrassé de toute couche Google, et surtout porté par une structure solide, le projet Murena. Ce n’était pas un énième fork confidentiel pour passionnés de ROM, mais un vrai système pensé pour un usage quotidien.
Le projet revendique une ambition claire : offrir un système mobile complet, fonctionnel et libre, sans compromis sur la confidentialité. C’est un Android dégooglisé, mais toujours compatible avec la majorité des applications disponibles — un point important pour moi.
Un mot sur Gaël Duval, le fondateur de /e/OS
Derrière /e/OS, il y a une vision portée par Gaël Duval, un entrepreneur et ingénieur français connu pour son engagement en faveur de la souveraineté numérique. Avant de lancer /e/OS, il s’était déjà illustré avec des projets ambitieux comme Mandrake Linux, une distribution Linux qui a marqué les années 2000 par sa simplicité et son accessibilité. Ce projet avait pour but de démocratiser l’utilisation de Linux auprès du grand public, bien avant que des alternatives comme Ubuntu ne prennent le relais.
Avec /e/OS, Gaël Duval poursuit cette quête d’indépendance numérique, mais cette fois dans l’univers mobile. Son objectif est clair : offrir une alternative crédible aux systèmes dominants comme Android et iOS, tout en respectant la vie privée des utilisateurs. Ce qui force l’admiration, c’est sa capacité à transformer une idée en un projet concret, soutenu par une communauté active et une structure solide.
Ce qui m’a convaincu
- Une base solide avec LineageOS, reconnue pour sa stabilité.
- Une interface soignée et bien pensée, proche d’iOS dans son apparence.
- Un App Lounge permettant d’installer des applications Android classiques, mais aussi de voir quels traqueurs elles embarquent.
- Un cloud maison (Murena Cloud) pour remplacer les services de Google (mail, agenda, contacts…).
En résumé, /e/OS me paraissait être un bon compromis entre éthique et praticité. Ce n’était pas juste un système pour les puristes, mais une vraie alternative pour une utilisation quotidienne. C’est ce qui m’a donné envie de tenter l’expérience.
L’installation de /e/OS sur mon smartphone
Pour cette première expérience, j’ai choisi de ne pas toucher à mon téléphone principal. J’ai donc ressorti un Nothing Phone (1) que j’avais mis de côté. Pas forcément le choix le plus simple : ce modèle n’est pas encore pris en charge officiellement par l’installateur automatique de /e/OS. Il a donc fallu mettre un peu les mains dans le cambouis.
Première étape : déverrouiller le bootloader, ce qui demande déjà quelques
manipulations spécifiques à Nothing. Ensuite, j’ai dû récupérer l’image système
de /e/OS disponible pour des modèles similaires, et adapter les étapes
d’installation à la main. Flash via fastboot
, wipe des partitions… Rien
d’insurmontable, mais il faut clairement être à l’aise avec quelques commandes
adb.
À mon avis, ce n’est pas une installation que je recommanderais à un débutant. Mais une fois le système en place, bonne surprise : le Nothing Phone 1 a bien démarré sous /e/OS, sans bugs bloquants. Écran, réseau, Bluetooth, appareil photo… tout fonctionnait correctement dès le premier boot (même les glyhpes du nothing). Un bon point pour un appareil non officiellement supporté.
Premiers pas avec /e/OS
Une fois /e/OS installé, j’ai redémarré sur une interface sobre, claire, plutôt agréable. Pas de surcouche lourde, pas de compte Google imposé au démarrage : ça fait franchement du bien.
Il m’a fallu réinstaller manuellement toutes mes applications via App Lounge, le magasin intégré de /e/OS. Ce n’est pas automatique, mais ce n’est pas non plus compliqué. L’App Lounge permet de retrouver la quasi-totalité des applis du Play Store, avec en prime une indication sur les traqueurs présents dans chaque app. C’est plutôt rassurant.
À ma grande surprise, tout a fonctionné du premier coup. Paiement bancaire avec l’application de ma banque ? Aucun souci. Billetterie pour les transports en Île-de-France ? Nickel. Franchement, je m’attendais à des galères et… rien. Même des apps souvent capricieuses sur des systèmes alternatifs tournaient parfaitement.
En bref, ces premiers pas ont été beaucoup plus fluides que je ne l’imaginais. Rien d’insurmontable, même pour un usage quotidien.
Ce que j’ai gagné (et ce que j’ai perdu)
Je ne suis pas un parano de la vie privée, loin de là. Mais après deux semaines d’utilisation de /e/OS, certains constats sautent aux yeux. D’abord, j’ai retrouvé une vraie respiration numérique. Plus de pubs ciblées, plus de notifications absurdes, plus cette impression que tout est connecté sans que je le demande. C’est plus fluide, plus apaisé.
Et surtout, ce que j’ai découvert avec l’App Lounge m’a un peu secoué : chaque application affiche la liste des traqueurs intégrés. Et là, on réalise à quel point notre téléphone habituel passe son temps à bavarder dans notre dos. Ce n’est pas une théorie, c’est factuel. Rien que ça, ça justifie pour moi d’avoir fait le pas.
Côté performances, rien à redire : le Nothing Phone 1 tourne parfaitement sous /e/OS. La grosse surprise, c’est l’autonomie : Je n’ai pas chargé mon téléphone depuis deux jours, et il me reste encore 40% de batterie. Je ne sais pas si c’est dû à /e/OS ou au Nothing Phone, mais c’est un bon point.
Ce que j’ai perdu, finalement, c’est surtout du confort dans certaines habitudes très spécifiques. Par exemple :
- L’absence de Google Maps demande un petit temps d’adaptation, même si Organic Maps fait très bien le job.
- L’intégration parfaite entre les applis Google (agenda, contacts, Drive…) n’a pas d’équivalent ici. Mais Murena Cloud fait le job pour remplacer ces services.
- Quelques applis comme SNCF Connect ne sont pas encore 100% compatibles en natif, mais elles fonctionnent via le web. C’est un peu moins pratique, mais ça reste acceptable.
Mais dans l’ensemble, ce sont des pertes mineures comparées au sentiment de contrôle que j’ai retrouvé. Je n’ai pas eu l’impression de “subir” mon téléphone, et ça, c’est vraiment nouveau.
Deux semaines après : est-ce que je continue ?
Oui, clairement. Cette première phase de test m’a rassuré : /e/OS tient la route, même au quotidien. J’ai trouvé mes repères, mes applis fonctionnent, je vis très bien sans Google.
Tellement bien que j’ai décidé de faire le grand saut : Je vais flasher mon Pixel 7, mon téléphone principal (eh oui, c’était avant). Passer à /e/OS n’était plus juste un test, c’était une transition logique. Je n’ai pas envie de revenir en arrière.
Pour conclure
En espérant que ce retour d’expérience vous donnera envie, vous aussi, de franchir le pas vers un usage numérique plus libre, plus maîtrisé. Ce n’est pas une révolution, mais une suite de petits choix qui, mis bout à bout, changent vraiment la donne.
Si vous avez des questions, des doutes, ou simplement envie d’échanger sur le sujet, vous pouvez réagir directement sous mon post LinkedIn ↗ — c’est encore mon réseau principal (même si, oui… c’est Microsoft). Vous pouvez aussi me suivre là-bas pour ne rien manquer de mes prochaines expérimentations autour de la souveraineté numérique et des outils libres.
À bientôt, et bonne déconnexion des GAFAM !
Ressources pour aller plus loin
Si vous aussi, vous sentez le besoin de reprendre le contrôle sur votre vie numérique, ou simplement de tester autre chose que les systèmes préinstallés, voici quelques ressources utiles pour creuser le sujet et vous lancer à votre rythme :
- Le site officiel de /e/OS ↗ : présentation du projet, appareils compatibles, philosophie et actualités.
- Documentation technique /e/OS ↗ : guides d’installation, liste des appareils supportés, dépannage.
- Murena Cloud ↗ : une alternative européenne à Google Drive, Gmail, Calendar… avec synchronisation intégrée dans /e/OS.
- Liste des applications open source compatibles ↗ : pour explorer des alternatives à vos apps habituelles.
- Forum communautaire /e/ ↗ : entraide, retours d’expérience, astuces et actus.
- Dégooglisons Internet – Framasoft ↗ : panorama des services libres et décentralisés.
- Alternatives européennes aux GAFAM ↗ : un bon point de départ pour trouver des services souverains.