Guide LLM : fonctionnement et applications pratiques
Mise à jour :
Ce guide s’adresse à tous ceux qui souhaitent découvrir les LLM (Large Language Models) et comprendre comment fonctionne un large language model. L’objectif est d’expliquer simplement aux débutants ce que sont ces modèles d’intelligence artificielle, comment ils sont construits et comment ils s’appliquent au traitement automatique du langage.
Nous couvrirons les notions essentielles : de l’architecture Transformer au mécanisme d’attention, en passant par la tokenisation BPE, le pré-training et le fine-tuning. Nous aborderons aussi des sujets pratiques comme la gestion de la fenêtre de contexte, les hallucinations IA et l’approche RAG (Retrieval-Augmented Generation) pour accéder à des connaissances récentes.
Historique et évolution des modèles de langage
L’histoire des modèles de langage n’a pas commencé avec ChatGPT. C’est une longue quête pour permettre aux machines de comprendre le langage humain,qui a connu une accélération fulgurante ces dernières années.
Au début, entre les années 1950 et 1990, les approches étaient statistiques. Les ordinateurs essayaient de prédire le mot suivant en se basant uniquement sur les 2 ou 3 mots précédents (les “n-grammes”). C’était très limité : les modèles n’avaient aucune compréhension réelle du sens de la phrase.
Dans les années 2000, les réseaux de neurones ont apporté une première révolution. Des modèles comme les RNN (Réseaux de Neurones Récurrents) et plus tard les LSTM sont devenus capables de traiter des phrases entières et de mieux conserver le contexte. Cependant, ils restaient lents et peinaient à gérer les dépendances sur de longs textes.
Le véritable tournant a eu lieu en 2017 avec l’invention de l’architecture Transformer par Google. Au lieu de lire le texte mot par mot, le Transformer pouvait analyser tous les mots d’une phrase en même temps grâce au mécanisme d’attention. Cette innovation a permis de traiter des quantités de texte beaucoup plus importantes et de comprendre des relations complexes entre les mots, même très éloignés les uns des autres.
Cette architecture est la base de tous les LLM modernes. Elle a ouvert la voie à une course à la taille et à la performance, avec des modèles comme GPT de OpenAI, qui sont passés de quelques milliards à plusieurs centaines de milliards de paramètres en quelques années seulement.
Trois facteurs expliquent cette explosion récente :
- L’architecture Transformer, beaucoup plus efficace.
- L’accès à des quantités massives de données (une grande partie d’Internet).
- L’augmentation de la puissance de calcul (notamment grâce aux GPU).
Cette combinaison a permis l’émergence de capacités complexes que même leurs créateurs n’avaient pas prévues.
Architecture fondamentale des Large Language Models
Pour comprendre comment fonctionne un LLM, il faut imaginer une machine complexe composée de plusieurs étages qui transforment progressivement du texte brut en une réponse intelligente. Un Large Language Model est fondamentalement un programme informatique gigantesque qui a appris à prédire le mot suivant dans une phrase en s’appuyant sur des milliards d’exemples de textes qu’il a vus pendant son entraînement.
La structure en couches d’un LLM
Un LLM moderne ressemble à une usine de traitement du langage. À l’entrée, une couche d’embedding transforme le texte en une suite de nombres que l’ordinateur peut manipuler.
Le cœur du modèle est constitué de dizaines de blocs Transformer empilés. Chaque bloc analyse le texte pour comprendre les relations entre les mots. Par exemple, dans “Le chien aboie parce qu’il a faim”, le modèle doit comprendre que “il” se réfère au “chien”. Pour cela, il utilise le mécanisme d’attention qui évalue l’importance des mots les uns par rapport aux autres.
Contrairement aux anciens systèmes qui analysaient les mots un par un, l’architecture Transformer traite tout le texte en parallèle. Cette capacité à prendre en compte l’ensemble du contexte précédent (parfois des milliers de mots) permet de maintenir une cohérence sur de longs passages.
Enfin, la couche de sortie calcule la probabilité de chaque mot possible pour continuer la phrase et choisit le plus pertinent, répétant ce processus pour générer une réponse complète.
Processus de tokenisation et gestion des séquences variables
La tokenisation est la première étape du traitement : elle découpe le texte en unités standardisées appelées tokens. Cette étape répond à la question : “comment un modèle peut-il comparer des textes de tailles différentes ?”.
Un token n’est pas toujours un mot complet. La technique la plus courante, le BPE (Byte Pair Encoding), fusionne les paires de caractères fréquentes pour créer un vocabulaire. Un mot courant comme “bonjour” peut devenir un seul token, tandis qu’un mot rare sera décomposé en plusieurs sous-unités. Cette approche permet de gérer des mots inconnus en les décomposant en parties connues.
Ainsi, un texte de n’importe quelle longueur est transformé en une séquence de tokens que le modèle peut traiter. Pour conserver l’ordre des mots, des tokens de position sont ajoutés, ce qui est crucial pour distinguer “Paul appelle Marie” de “Marie appelle Paul”.
Cependant, chaque LLM a une limite de contexte, un nombre maximum de tokens qu’il peut traiter en une fois. Pour les textes plus longs, des techniques comme la fenêtre glissante sont utilisées pour traiter le document par segments tout en conservant une partie du contexte précédent.
Mécanisme d’attention et relations contextuelles dans les transformers
Le mécanisme d’attention est l’innovation clé des LLM modernes. Il permet au modèle de peser l’importance de chaque mot dans une phrase pour en comprendre le contexte. Par exemple, dans “Le chat que j’ai adopté hier mange ses croquettes”, l’attention aide le modèle à comprendre que “ses” se réfère au “chat”.
Techniquement, l’attention calcule des scores de pertinence entre tous les mots. Pour chaque mot, le modèle évalue à quel point les autres mots sont importants pour définir son sens dans ce contexte précis.
Les LLM utilisent une approche d’attention multi-têtes, où plusieurs mécanismes d’attention fonctionnent en parallèle. Chaque “tête” se spécialise dans la détection d’un type de relation différent : l’une peut suivre les liens grammaticaux, une autre les références pronominales, et une troisième les associations sémantiques.
En empilant de nombreuses couches d’attention, le modèle construit une compréhension de plus en plus fine du texte, des structures syntaxiques simples aux concepts abstraits complexes.
Phases d’entraînement : pré-training, fine-tuning et alignement humain
L’entraînement d’un LLM se déroule en trois phases clés.
Le pré-entraînement : l’apprentissage fondamental
Le pré-entraînement est la phase la plus longue. Le modèle analyse des milliards de textes (livres, sites web) avec un objectif simple : prédire le mot suivant. Cette tâche, répétée à grande échelle, lui permet d’acquérir une compréhension profonde de la grammaire, des faits du monde et des structures de raisonnement. C’est durant cette étape que naissent les capacités émergentes : des compétences complexes qui n’ont pas été explicitement programmées.
Le fine-tuning : spécialisation sur des tâches
Après le pré-entraînement, le modèle est “cultivé” mais ne sait pas comment être utile. Le fine-tuning (ou affinage) consiste à l’entraîner sur des milliers d’exemples de questions-réponses de haute qualité. Il apprend ainsi à suivre des instructions, résumer, traduire ou encore écrire du code.
L’alignement humain : apprendre les préférences
Enfin, l’alignement avec les préférences humaines affine le comportement du modèle pour le rendre plus sûr et pertinent. Grâce à des techniques comme le RLHF (Reinforcement Learning from Human Feedback), des évaluateurs humains comparent et notent les réponses du modèle. Le modèle apprend de ces préférences pour éviter les contenus toxiques, réduire les hallucinations IA (informations incorrectes) et fournir des réponses plus utiles.
Génération de texte : probabilités, sampling et stratégies de décodage
Quand un LLM génère du texte, il ne “réfléchit” pas : il calcule la probabilité de chaque mot possible pour continuer la phrase et choisit le suivant selon une stratégie.
À chaque étape, le modèle examine son vocabulaire (jusqu’à 100 000 tokens) et attribue une probabilité à chacun en fonction du contexte. Par exemple, après “Il fait chaud, j’aimerais boire quelque chose de”, “frais” aura une probabilité élevée, tandis que “chaud” aura une probabilité très faible.
Stratégies de sélection du token
Plusieurs stratégies existent pour choisir le mot suivant :
- Le greedy decoding sélectionne toujours le mot le plus probable. C’est une approche sûre mais qui peut rendre le texte répétitif.
- Le sampling avec température introduit de l’aléa. Une température basse favorise les mots probables (texte cohérent), tandis qu’une température élevée augmente la créativité (texte plus original mais potentiellement moins logique).
- Les techniques top-k et top-p affinent ce processus en ne considérant qu’un sous-ensemble des mots les plus probables, évitant ainsi les choix trop farfelus qui pourraient faire dérailler la génération.
Pour maintenir une cohérence sur de longs textes, des méthodes plus avancées comme le beam search explorent plusieurs phrases possibles en parallèle avant de choisir la meilleure.
Gestion des contextes longs et limitations de mémoire
La capacité d’un LLM à gérer des textes longs est définie par sa fenêtre de contexte, c’est-à-dire le nombre maximum de tokens qu’il peut traiter simultanément. Cette limite, qui varie de quelques milliers à plus de 200 000 tokens pour les modèles récents, est une conséquence directe de l’architecture Transformer : la complexité des calculs d’attention augmente de manière exponentielle avec la longueur de la séquence.
Pour contourner cette limitation, plusieurs stratégies existent :
- La troncature simple coupe le début du texte, au risque de perdre des informations.
- La fenêtre glissante traite le texte par segments qui se chevauchent, conservant une partie du contexte précédent.
- Des approches plus avancées comme la compression de contexte ou des architectures alternatives (Mamba, modèles hiérarchiques) cherchent à optimiser ce traitement.
Une solution très efficace est le RAG (Retrieval-Augmented Generation), qui connecte le LLM à une base de données externe. Au lieu de tout stocker en mémoire, le modèle recherche les informations pertinentes au moment où il en a besoin, lui donnant accès à une connaissance quasi illimitée et toujours à jour.
Limitations techniques et biais des modèles de langage
Malgré leurs performances, les LLM ont des limites inhérentes à leur conception :
- Les hallucinations : l’invention d’informations. Les hallucinations IA sont la tendance des modèles à inventer des faits de manière convaincante. Cela se produit car un LLM prédit le mot suivant le plus probable, même s’il ne dispose pas de l’information correcte. Il n’a pas de notion de “vérité” et se contente de reproduire des schémas linguistiques appris, ce qui peut le conduire à générer des informations plausibles mais fausses.
- Biais et représentations déformées. Les LLM reproduisent et amplifient les biais présents dans leurs données d’entraînement. Ils peuvent ainsi associer des professions à des genres spécifiques ou refléter des perspectives culturelles dominantes. Corriger ces biais est un défi majeur, car ils sont profondément ancrés dans les milliards de textes analysés.
- Limitations de raisonnement. La “compréhension” d’un LLM est statistique, pas sémantique. Il excelle à reconnaître des patterns mais peine sur des tâches qui exigent un raisonnement logique ou causal profond. Il peut résoudre un problème mathématique en imitant une solution vue auparavant, mais échouer sur une variante qui demande une réelle compréhension des principes.
- Dépendance aux données d’entraînement. Un LLM est figé dans le temps : ses connaissances s’arrêtent à la fin de son entraînement. Un modèle entraîné en 2023 ignore tout de 2024. De plus, il reproduira les erreurs factuelles présentes dans ses données sources. Le RAG est une solution à cette obsolescence, mais la qualité intrinsèque du modèle dépend toujours de la qualité de son corpus initial.
Perspectives d’évolution : RAG, agents et multimodalité
L’avenir des LLM s’oriente vers des systèmes plus complexes et plus capables, combinant plusieurs technologies pour dépasser leurs limites actuelles.
- RAG : connecter les LLM à des connaissances à jour : Le RAG (Retrieval-Augmented Generation) est une solution élégante au problème des connaissances obsolètes et des hallucinations. Cette technique couple un LLM à une base de données externe. Lorsqu’une question est posée, le système recherche d’abord les informations pertinentes dans cette base et les fournit au LLM en même temps que la question. Le modèle peut ainsi s’appuyer sur des sources vérifiées et à jour pour formuler sa réponse, ce qui réduit drastiquement les erreurs factuelles.
- L’émergence des agents intelligents : Les agents LLM sont la prochaine étape : des systèmes capables non seulement de générer du texte, mais aussi d’agir. Un agent IA peut utiliser des outils, naviguer sur Internet, exécuter du code ou interagir avec des API pour accomplir des tâches complexes. Il décompose une requête en étapes, exécute chaque action, analyse le résultat et ajuste son plan en conséquence. Cette autonomie ouvre la voie à des assistants capables de gérer des processus complets, comme l’analyse de données suivie de la création d’un rapport.
- La révolution multimodale : Les modèles multimodaux transcendent le texte pour traiter simultanément images, audio et vidéo. Ils peuvent décrire une image, générer une illustration à partir d’une description ou même créer de courtes vidéos. Cette capacité ouvre des applications nouvelles, comme des assistants de dépannage qui comprennent des captures d’écran ou des outils de création qui génèrent automatiquement des présentations visuelles.
Ces évolutions convergent vers des systèmes plus polyvalents et autonomes, mais soulèvent également des défis éthiques et de sécurité importants. L’avenir des LLM dépendra autant des avancées techniques que de notre capacité à encadrer leur développement de manière responsable.
Conclusion
Les Large Language Models représentent une révolution technologique majeure de notre époque. En seulement quelques années, ils sont passés d’expérimentations de laboratoire à des outils utilisés par des millions de personnes au quotidien.
Ce guide vous a présenté les concepts fondamentaux pour comprendre comment fonctionne un large language model : de l’architecture Transformer qui permet le traitement parallèle du texte, au mécanisme d’attention qui établit les relations entre les mots, en passant par les phases d’entraînement qui donnent aux modèles leurs capacités remarquables.
Nous avons vu que malgré leurs performances impressionnantes, les LLM restent des outils avec des limites importantes : hallucinations, biais, et dépendance aux données d’entraînement. Comprendre ces limitations est essentiel pour utiliser ces technologies de manière éclairée et responsable.
L’avenir s’annonce passionnant avec l’émergence du RAG, des agents intelligents et de la multimodalité. Ces évolutions promettent des assistants IA encore plus capables et polyvalents, tout en soulevant de nouvelles questions sur leur impact sociétal.
Que vous soyez développeur, chercheur, étudiant ou simplement curieux de comprendre l’IA moderne, ce guide vous donne les clés pour appréhender cette technologie qui transforme déjà notre rapport à l’information et à la création de contenu. Les LLM ne sont plus de la science-fiction : ils sont notre présent, et probablement une part importante de notre avenir numérique.
Ressources associées
Pour approfondir ou passer à la pratique :
- Mise en œuvre RAG : Introduction à la RAG
- Bases de la vectorisation : Bases de données vectorielles
- Utilisation de litellm : Démarrer avec LiteLLM
- Stockage vectoriel léger : Chroma
- Interface conversationnelle : Créer un assistant avec Chainlit
- Qualité des invites : Prompt engineering
- Exécution locale de modèles : Démarrer avec Hugging Face
- Extraction de contenu web : Trafilatura pour alimenter vos corpus
- Formation structurée : Parcours Python IA (LLM, RAG, agents)