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Vibe Coding : coder par intention 🧠

Mise Ă  jour :

Depuis plus de cinquante ans, programmer signifiait Ă©crire. Une activitĂ© d’assemblage minutieux, faite de syntaxe, de logique, de rĂšgles et d’erreurs Ă  traquer. Mais en 2025, un changement majeur s’est amorcĂ© : la programmation cesse d’ĂȘtre un acte mĂ©canique pour devenir un acte d’intention. Ce mouvement porte un nom, Ă  la fois ironique et rĂ©volutionnaire : le vibe coding.

NĂ© d’une idĂ©e formulĂ©e par Andrej Karpathy, figure centrale de l’intelligence artificielle moderne, le concept a d’abord circulĂ© comme une provocation :

“fully give in to the vibes — forget that the code even exists.”

Autrement dit : cessez d’écrire, dĂ©crivez ce que vous voulez. DerriĂšre cette formule, il ne s’agit pas d’une posture esthĂ©tique, mais d’une transformation profonde : le code devient une conversation.

Le vibe coding s’appuie sur les modĂšles de langage (LLM), ces intelligences artificielles capables de comprendre et gĂ©nĂ©rer du texte structurĂ©, dont le code fait dĂ©sormais partie. L’utilisateur ne manipule plus directement la syntaxe : il exprime ses intentions en langage naturel. L’IA interprĂšte ces intentions, propose du code, puis l’humain affine, valide et reformule. Ce dialogue continu fait Ă©merger un nouveau rapport au dĂ©veloppement : intuitif, itĂ©ratif, collaboratif.

Une mutation du geste de programmer

Ce basculement ne se limite pas Ă  un changement d’outil. Il modifie la nature mĂȘme du travail intellectuel du programmeur. Jusqu’ici, coder signifiait traduire une idĂ©e en instructions prĂ©cises. Aujourd’hui, il s’agit d’orchestrer un systĂšme intelligent qui, Ă  partir de ces intentions, gĂ©nĂšre les lignes nĂ©cessaires.

Le programmeur devient chef d’orchestre : il fixe le ton, la direction, les contraintes, tandis que l’IA exĂ©cute la partition. Cette nouvelle posture invite Ă  repenser la notion de production logicielle : moins centrĂ©e sur l’écriture, plus sur la formulation de sens.

Ce glissement s’inscrit dans une continuitĂ© historique. Les langages de haut niveau avaient dĂ©jĂ  abstrait la complexitĂ© des machines. Les frameworks et API avaient ensuite encapsulĂ© la complexitĂ© du code. Le vibe coding franchit une Ă©tape supplĂ©mentaire : il abstrait le code lui-mĂȘme.

Une pratique nĂ©e de la convergence IA–crĂ©ativitĂ©

Si le vibe coding est nĂ© dans le milieu de l’intelligence artificielle, son principe dĂ©passe largement la technique. Il traduit une tendance de fond : la crĂ©ation numĂ©rique par intention. Comme le prompt art en image, la musique gĂ©nĂ©rative ou le storytelling algorithmique, il repose sur la capacitĂ© Ă  guider une IA par la clartĂ© du langage.

“The future of coding is conversation.” — Simon Willison, 2025

L’acte de coder devient une expĂ©rience : on explore, on ajuste, on itĂšre. L’objectif n’est plus de produire le code parfait, mais le comportement souhaitĂ©. La syntaxe s’efface au profit du dialogue, la logique s’exprime en phrases.

Les promesses d’une nouvelle efficacitĂ©

Le succĂšs du vibe coding repose d’abord sur un constat pragmatique : il accĂ©lĂšre tout. Les prototypes se construisent en quelques minutes. Les scripts d’automatisation naissent d’une phrase. Les tests, la documentation, voire les pipelines, peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©s dans la foulĂ©e.

Selon le Wall Street Journal (2025 ↗), certaines Ă©quipes ont rĂ©duit de 90 % le temps de conception d’un prototype fonctionnel. Au-delĂ  du gain de vitesse, le vibe coding dĂ©mocratise la crĂ©ation. L’accĂšs Ă  la programmation devient linguistique plutĂŽt que technique, ouvrant la voie Ă  une gĂ©nĂ©ration de crĂ©ateurs : analystes, designers, enseignants, chercheurs
 tous capables de “parler” au code.

Les nouveaux apprentissages

Apprendre Ă  coder par intention ne revient pas Ă  renoncer Ă  la rigueur : cela demande d’autres compĂ©tences. Le vibe coder n’a pas besoin de connaĂźtre tous les langages, mais doit savoir :

  • formuler une demande claire ;
  • comprendre la logique d’un programme ;
  • juger la pertinence d’une rĂ©ponse IA.

C’est une littĂ©ratie computationnelle oĂč l’exactitude syntaxique cĂšde la place Ă  la prĂ©cision sĂ©mantique. Savoir bien parler Ă  la machine devient aussi important que savoir bien Ă©crire du code.

Les formations intĂšgrent dĂ©sormais des modules de prompt engineering et d’analyse critique du code gĂ©nĂ©rĂ©. Le but n’est plus de mĂ©moriser la syntaxe, mais de dĂ©velopper la pensĂ©e algorithmique et la capacitĂ© de dialogue.

Un équilibre entre liberté et rigueur

La facilité de génération peut encourager la superficialité : produire beaucoup, comprendre peu. Pour éviter cette dérive :

Plus le code est gĂ©nĂ©rĂ© facilement, plus il doit ĂȘtre vĂ©rifiĂ© rigoureusement.

Les bonnes pratiques émergentes insistent sur :

  • la relecture humaine systĂ©matique ;
  • le versionnement des prompts ;
  • l’intĂ©gration de tests automatiques ;
  • la documentation complĂšte des gĂ©nĂ©rations (modĂšle, version, date, contexte).

Ces garde-fous transforment le vibe coding en une discipline d’ingĂ©nierie responsable. Comme le note DevOps.com (2025 ↗) :

“La qualitĂ© ne dĂ©pend plus de la longueur du code, mais de la clartĂ© de l’intention et de la rigueur du contrĂŽle.”

Les limites structurelles et les précautions

Ses limites sont connues :

  • comprendre sans apprendre ;
  • dette technique invisible ;
  • dĂ©pendance aux modĂšles propriĂ©taires ;
  • vulnĂ©rabilitĂ©s et incohĂ©rences non dĂ©tectĂ©es.

Des Ă©tudes du MIT AI Lab montrent qu’un tiers du code gĂ©nĂ©rĂ© par LLM contient des failles potentielles. L’IA Ă©crit vite, mais sans conscience. L’humain doit rester le garant du sens, du contexte et de la sĂ©curitĂ©.

Une culture du dialogue technique

Au-delà des outils, le vibe coding incarne une évolution culturelle. Le code devient un langage commun entre métiers techniques et non-techniques. Les prompts, stockés et versionnés, deviennent les nouveaux artefacts de communication : ils racontent les besoins, les contraintes, les choix.

Un prompt documentĂ© vaut souvent mieux qu’un cahier des charges.

Cette Ă©volution rapproche le dĂ©veloppement du design : on explore, on ajuste, on valide ensemble. Le vibe coding favorise une collaboration horizontale, oĂč chacun contribue sans nĂ©cessairement coder.

Les usages qui se dessinent

Le vibe coding s’étend dĂ©jĂ  Ă  :

  • la crĂ©ation d’applications (front-ends interactifs gĂ©nĂ©rĂ©s Ă  la volĂ©e) ;
  • l’automatisation (scripts, intĂ©grations API) ;
  • la gĂ©nĂ©ration de tests et documentation ;
  • l’accompagnement pĂ©dagogique ;
  • la crĂ©ation d’outils internes (dashboards, microservices, alertes).

L’IA ne code pas “à la place” ; elle code avec.

Enjeux éthiques et gouvernance

L’essor du vibe coding soulùve des questions :

  • À qui appartient le code gĂ©nĂ©rĂ© ?
  • Peut-on publier un logiciel Ă©crit par un modĂšle ?
  • Comment garantir la conformitĂ© open source ?

L’AI Act europĂ©en (2025 ↗) impose dĂ©sormais :

  • la traçabilitĂ© des systĂšmes d’IA ;
  • la documentation des prompts ;
  • la transparence des modĂšles utilisĂ©s.

Objectif : une crĂ©ation auditable, explicable et responsable. Des standards comme OpenPrompt Standard ou PromptOps Ă©mergent pour rendre l’écosystĂšme interopĂ©rable.

Un futur de co-création raisonnée

D’ici 2030, une grande partie du code non critique sera produite par des IA. Mais cela ne signe pas la fin du dĂ©veloppement humain : cela redĂ©finit son rĂŽle.

Le développeur devient :

  • concepteur d’intentions ;
  • validateur technique ;
  • superviseur Ă©thique et lĂ©gal.

Le code devient un média conversationnel, et la compétence clé : exprimer et vérifier une intention.

Un changement de paradigme durable

Chaque gĂ©nĂ©ration d’outils a Ă©loignĂ© le dĂ©veloppeur de la machine pour le rapprocher de l’idĂ©e. L’intelligence artificielle achĂšve ce mouvement : elle permet de coder par la pensĂ©e structurĂ©e, exprimĂ©e en mots.

Si le code devient conversation, la rigueur devient dialogue.

Les pionniers du mouvement s’accordent : le vibe coding n’est pas une fin, mais un moyen — explorer plus vite, partager plus simplement, concevoir plus intelligemment.

Conclusion

Le vibe coding est une nouvelle grammaire du dĂ©veloppement logiciel : il marque le passage d’une culture de la syntaxe Ă  une culture de l’intention.

Il exige de nouvelles compĂ©tences (formulation, lecture critique, supervision IA) et de nouveaux standards (traçabilitĂ©, gouvernance, sĂ©curitĂ©). Mais surtout, il ouvre une voie : celle d’une programmation augmentĂ©e, accessible et responsable.

Dans les prochains guides, chaque aspect sera dĂ©veloppĂ© : philosophie, pratiques, bĂ©nĂ©fices, limites, outils et transformations des mĂ©tiers du numĂ©rique. Donc restez Ă  l’écoute : le futur du code s’écrit aujourd’hui, par la pensĂ©e.