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Évitez la dette technique en Infrastructure as Code

Mise à jour :

Lorsqu’on parle d’Infrastructure as Code (IaC) avec des outils comme Ansible, Terraform, Puppet, Pulumi ou Kubernetes, on met en avant ses nombreux avantages : automatisation, reproductibilité et gestion simplifiée des infrastructures. Pourtant, la réalité est souvent plus complexe. Inspiré par un billet du blog d’Eleven Labs, j’ai voulu explorer la question de la dette technique en Infrastructure As Code, car trop souvent, au nom de l’agilité, de la rapidité et de la simplicité, les bonnes pratiques sont mises de côté.

Rappel : qu’est-ce que l’Infrastructure as Code (IaC) ?

L’usage des langages ne se limite plus à la seule création de programmes informatiques. Aujourd’hui, des langages spécifiques permettent d’instancier et de gérer des infrastructures informatiques de manière automatisée. Ces outils ne se contentent pas de créer des machines virtuelles, mais permettent aussi de provisionner une grande variété de ressources, comme des équipements réseau et stockage.

Grâce à ces technologies, il est possible de déployer rapidement des infrastructures complexes.

Il est où le problème alors ?

Cependant, cela peut aussi entraîner une dette technique, c’est-à-dire des choix de conception qui compromettent l’intégrité, la flexibilité et la maintenabilité des infrastructures à long terme. Si ces problèmes ne sont pas corrigés, la dette s’accumule, rendant les modifications de plus en plus difficiles et coûteuses en temps et en ressources.

Il est important de noter que cette dette technique est particulièrement problématique pour les infrastructures destinées à fonctionner sur une longue période. En effet, toutes les applications ne sont pas encore cloud-native et ne peuvent pas toujours être déployées sur des clusters Kubernetes (K8S), ce qui rend la gestion de l’infrastructure encore plus cruciale.

  • Comment identifier et éviter cette dette technique en IaC ?
  • Quelles bonnes pratiques adopter pour limiter son impact ?

C’est quoi la dette technique ?

La dette technique est un concept emprunté au domaine financier pour illustrer les compromis faits dans le développement logiciel et l’infrastructure. Lorsqu’une solution rapide est privilégiée au détriment d’une implémentation optimale, on contracte une dette qui devra être « remboursée » plus tard sous forme d’efforts supplémentaires en maintenance, corrections et refactoring.

Dans le contexte de l’Infrastructure as Code (IaC), cette dette technique peut prendre plusieurs formes :

  • des configurations désorganisées,
  • des scripts peu maintenables,
  • des outils mal adaptés
  • ou encore un manque de standardisation.

Plus cette dette s’accumule, plus elle ralentit les équipes et complexifie les déploiements.

Il est donc essentiel d’identifier les causes et les conséquences de cette dette pour la limiter au maximum et assurer une infrastructure stable et évolutive.

Causes de la dette technique en IaC

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’accumulation de dette technique dans une infrastructure gérée par du code. Voici les principales causes :

  1. Difficultés de recrutement : Le manque de profils qualifiés en Infrastructure as Code pousse souvent les entreprises à confier ces tâches à des équipes peu expérimentées. Cela peut conduire à des implémentations maladroites et une accumulation de configurations complexes ou incohérentes.
  2. Absence de standards : Sans lignes directrices claires, chaque ingénieur peut appliquer ses propres conventions, rendant le code difficilement lisible et maintenable. Une absence de naming convention, des structures de fichiers désorganisées ou un usage hétérogène des outils comme Terraform, Ansible ou CloudFormation aggravent cette dette.
  3. Mauvais choix techniques : L’utilisation d’outils inadaptés à un projet peut générer une dette importante. Par exemple, utiliser Terraform pour gérer des configurations éphémères ou Ansible pour déployer des infrastructures persistantes peut entraîner des inefficacités et une complexité inutile.
  4. Manque de cohérence dans l’implémentation: Si les modules et les rôles ne sont pas définis de manière homogène, l’infrastructure devient rapidement un patchwork difficile à comprendre. Un mélange d’approches déclaratives et impératives peut également rendre l’évolution du code plus délicate.
  5. Approche procédurale vs déclarative : L’IaC repose idéalement sur une approche déclarative, où l’on décrit l’état final désiré plutôt que la manière d’y parvenir. Une approche trop procédurale (par exemple, avec des scripts shell ou des playbooks Ansible non idempotents) complique la gestion et augmente la dette technique.
  6. Solutions trop complexes (“usines à gaz”) : Certaines équipes surconçoivent leurs configurations en empilant des modules et des abstractions inutiles. Une structure excessive peut rendre le code illisible et difficile à modifier. Un bon code IaC doit être simple et modulaire.
  7. Absence de documentation : Sans documentation claire, il devient difficile pour de nouveaux collaborateurs de comprendre l’infrastructure et les choix effectués. Un manque de README, de commentaires ou de diagrammes d’architecture ralentit les évolutions et accroît la dette.
  8. Mauvaise gestion des mises à jour : Ne pas maintenir à jour les outils et les modules IaC peut conduire à des incompatibilités et des failles de sécurité. Utiliser des anciennes versions de Terraform, Ansible ou Kubernetes peut complexifier les migrations et rendre l’infrastructure obsolète plus rapidement.

En comprenant ces causes, on peut mieux anticiper la dette technique et adopter des pratiques permettant de la limiter dès le départ.

Conséquences de la dette technique en IaC

Une dette technique mal maîtrisée en Infrastructure as Code (IaC) peut avoir des répercussions majeures sur la stabilité, la sécurité et l’évolutivité des infrastructures. Voici les principales conséquences :

  1. Une infrastructure difficile à maintenir : Une accumulation de configurations mal conçues rend l’infrastructure complexe et difficile à modifier. Les équipes passent plus de temps à comprendre et corriger les erreurs qu’à apporter de véritables améliorations.
  2. Une augmentation des temps de déploiement : Plus la dette technique s’accumule, plus les déploiements deviennent lents et fragiles. Des scripts mal optimisés ou des dépendances mal gérées peuvent rallonger les cycles de mise en production et générer des échecs fréquents.
  3. Des erreurs et des incidents plus fréquents : Des configurations incohérentes ou obsolètes augmentent le risque de bugs, de pannes et d’erreurs humaines. Par exemple, des variables mal définies dans un module Terraform peuvent provoquer des déploiements imprévisibles.
  4. Une sécurité compromise : Une mauvaise gestion des infrastructures en tant que code peut conduire à des failles de sécurité. Des mauvaises pratiques dans la gestion des secrets (comme stocker des clés API en clair dans des fichiers de configuration) ou l’utilisation d’anciennes versions de logiciels peuvent exposer l’infrastructure à des vulnérabilités.
  5. Un frein à l’évolutivité : Une infrastructure pleine de dettes techniques est difficile à faire évoluer. Ajouter de nouvelles fonctionnalités ou migrer vers d’autres technologies devient un casse-tête, car chaque modification risque d’avoir des impacts inattendus.
  6. Une augmentation des coûts opérationnels : Corriger les erreurs, maintenir un code peu optimisé et gérer des incidents récurrents entraînent une perte de temps et une augmentation des coûts pour l’entreprise. À long terme, cela peut limiter la compétitivité et ralentir l’innovation.

Face à ces risques, il est essentiel d’adopter de bonnes pratiques pour réduire la dette technique et garantir une infrastructure stable, sécurisée et évolutive.

Bonnes pratiques pour éviter la dette technique en IaC

Pour minimiser la dette technique en Infrastructure as Code (IaC) et garantir une infrastructure fiable, il est essentiel d’adopter de bonnes pratiques. Voici les stratégies clés à appliquer :

  1. Adopter une approche déclarative : Privilégier une approche déclarative plutôt que procédurale permet de simplifier la gestion des configurations. Par exemple, Terraform, CloudFormation et Kubernetes YAML décrivent l’état final désiré, contrairement aux scripts shell ou aux playbooks Ansible procéduraux.

  2. Standardiser les conventions et les bonnes pratiques :

  1. Mettre en place une revue de code systématique : Faire relire le code IaC par d’autres membres de l’équipe permet d’identifier les erreurs et d’éviter l’accumulation de mauvaises pratiques. Un processus de pull request avec validation automatique (linting, tests) améliore la qualité du code.

  2. Automatiser les tests :

  • Utiliser Terratest ou Checkov pour tester les configurations Terraform.
  • Valider les fichiers YAML avec Yamllint.
  • Automatiser des tests de déploiement avec Testinfra pour Ansible.
  1. Éviter la complexité excessive :
  • Garder des configurations simples et lisibles.
  • Limiter l’imbrication des modules et la multiplication des variables globales.
  • Séparer les environnements (dev, staging, prod) de manière claire.
  1. Mettre à jour régulièrement les outils et les configurations :
  • Maintenir les versions des outils à jour (Terraform, Ansible, Kubernetes).
  • Mettre en place une veille technologique pour suivre les évolutions.
  • Tester les mises à jour en environnement staging avant production.
  1. Documenter systématiquement :
  • Ajouter des README dans chaque module ou rôle.
  • Expliquer les choix techniques et les dépendances.
  • Maintenir à jour un diagramme d’architecture.
  1. Sécuriser l’infrastructure dès la conception :
  • Ne pas stocker de secrets en clair (utiliser Vault, AWS Secrets Manager, SOPS).
  • Appliquer le principe du moindre privilège dans les permissions.
  • Utiliser des outils comme tfsec pour analyser les configurations Terraform.
  1. Surveiller et auditer l’infrastructure :
  • Mettre en place un monitoring avec Prometheus, Grafana, Datadog.
  • Analyser les changements avec GitOps et l’historique des commits.
  • Effectuer des audits réguliers pour identifier les configurations obsolètes.
  1. Sensibiliser et former les équipes :
  • Organiser des formations internes sur les bonnes pratiques IaC.
  • Encourager la veille et le partage des connaissances.
  • Mettre en place un wiki d’équipe pour centraliser les standards et procédures.

En appliquant ces bonnes pratiques, on limite la dette technique et on assure une infrastructure plus fiable, maintenable et évolutive.

Conclusion

La dette technique en Infrastructure as Code (IaC) est un problème courant qui, s’il n’est pas maîtrisé, peut ralentir les déploiements, complexifier la maintenance et compromettre la sécurité des infrastructures. Elle résulte souvent de choix techniques précipités, d’un manque de standardisation ou d’une documentation insuffisante.

Cependant, en adoptant des bonnes pratiques, il est possible de minimiser cette dette et d’assurer une infrastructure robuste, évolutive et maintenable. Une approche déclarative, des tests automatisés, une mise à jour régulière des outils et une documentation claire sont autant de leviers pour garantir la qualité du code IaC.

Enfin, la sensibilisation et la formation des équipes jouent un rôle essentiel dans la réduction de cette dette. Plus les DevOps et administrateurs systèmes sont conscients des risques et des bonnes pratiques, plus ils seront en mesure de concevoir une infrastructure durable et optimisée.

En somme, une gestion proactive de la dette technique en Infrastructure As Code est un investissement qui assure à long terme des déploiements plus fluides, une infrastructure plus stable et une réduction des coûts opérationnels.